Tout à l’heure ça m’a frappé, alors que dans le fond, c’est de l’ordre de l’évidence. Mais justement, pourquoi il m’a fallu tellement de temps alors que c’est si évident ? (peut-être parce que je suis con et vous vous avez pigé depuis longtemps, donc au pire vous allez me voir élucubrer pendant tout un article, déso)(surtout que je l’écris complètement à l’arrache après une permanence et avec le chat qui ronfle à côté)
Pourquoi est-ce qu’on défend autant l’utilité des voix ?
En fait cette question, je la trouve intéressante, pas parce qu’elle apporte des choses nouvelles, mais juste parce qu’elle nous plusieurs enjeux ensemble… (à noter que je vais partir de l’exemple concret des voix, mais qu’on pourrait très bien le faire pour un peu tout le reste en vrai, juste c’est l’exemple que je maîtrise le mieux)
Petit article à l’arrache juste pour poser ça avant que j’oublie mon fil de pensée et que je doive reréfliche du début comme à chaque fois…
1 : Défendre les voix
Tout d’abord, il y a cette sensation qu’il faut lutter contre le consensus : on nous a dit répéter qu’entendre des voix c’était mal, ou en tout cas que ça ne devait pas arriver. L’objectif qu’on nous impose donc est de se débarrasser des dites voix d’une façon ou d’une autre. Entendre des voix c’est délirant. Délirer c’est mal. Blablabla. You know the drill.
The drill being : la normalisation.
Quelle soit le contenu des voix, leur mode d’interaction, leur influence, leur objectif, la relation qu’on entretient avec elle, par défaut, on considère qu’il faut s’en débarrasser. Point final.
Pourtant, comme on a déjà souvent pu l’évoquer ici, ces voix, elles sont en lien très étroit avec ce que l’on ressent, ce qu’on pense, ce qu’on a vécu, ce qu’on traverse encore. Se priver de ses voix, ou a minima, entretenir des relations négatives avec (genre : vouloir les faire disparaître à tout prix)(si si vouloir faire disparaître des gens à tout prix c’est une relation négative, je sais pas pourquoi on en est à devoir le rappeler mais apparemment si, this is the kind of world we’re living in, therefore, je m’adapte), c’est s’amputer d’une part de soi. Et ça, ça craint.
De nombreux fols ont donc commencé à défendre la nécessité d’apprendre à fonctionner avec, à communiquer avec.
De ce fait, on se rend alors compte de l’utilité que peuvent avoir les voix, de leur rôle dans notre paysage interne.
Même les voix négatives peuvent aussi avoir leur rôle. Au congrès de l’Intervoice d’octobre dernier, j’ai par exemple pu assister (et interpréter… parce que bon la vie est improbable) la conférence de Serge Tracy baptisée Compassion pour une voix négative, et c’était effectivement extrêmement passionnant et aidant. Comprendre quel sens il avait trouvé dans ces agressions-là, et comment il avait réussi à les résoudre, ce que ça lui avait apporté, c’était énorme. C’était genre LA conf à laquelle je voulais assister du congrès et j’ai pas été déçu. Parce qu’ici aussi on a des grosses emmerdes avec certaines voix. Et avec l’Autre notamment… des pistes donc.
Les voix ne seraient donc pas seulement ces choses envahissantes et nocives qu’il faudrait par défaut anéantir. Elles ont une utilité. Elles peuvent aider. Elles apportent du sens. Elles guident. Elles comblent des lacunes.
2 : L’utilité comme légitimité
Et dans un premier temps, ce discours, il est nécessaire. Ou en tout cas logique. Il se fait en réaction du monde dans lequel nous vivons.
On veut nous amputer d’un morceau de nous
On vient alors défendre le morceau de nous
Et dans un monde utilitariste, la meilleure façon de le faire, c’est bien d’expliquer l’utilité de quelque chose.
Et c’est d’autant plus logique qu’on en arrive là parce qu’on ne peut pas complètement sortir du monde qui nous voit naître. Or, le monde dans lequel on vit blâme toute improductivité. Il faut pouvoir produire, pouvoir travailler, pouvoir créer de la valeur, et cette valeur elle doit être monétisable et monétisée, sinon elle n’est pas vraiment. Forcément, c’est un discours qu’on nous sert beaucoup. On connaît, on maîtrise.
Alors forcément, quand il faut défendre nos voix, pour pas qu’elles se fassent tronçonner la gueule, l’argument le plus évident, ça semble bien être celui de l’utilité. Les voix ont de la valeur parce qu’elles ont quelque chose à apporter, whatever that is. À partir de là, on ne peut donc pas les trucidationner parce qu’elles sont utiles et dans ce monde, on ne bute pas les trucs utiles, pas vrai ???
Et c’est plutôt juste comme argument, il est pas déconnant. C’est pas rien en vrai de venir clamer l’intérêt et l’utilité d’un truc dont tout le monde autour de toi veut se débarrasser. C’est une réappropriation nécessaire.
Mais…
quid des voix qui servent à rien ?
De celles qui répètent bloody hell en boucle jusqu’à t’en fracasser le crâne sur les murs ? Blackpink in your areaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa HÉHO ! et do ré mi fa sol la si don’t you know it’s time to go
etc
etc
(oui y a un thème dans les vidéos, j’ai la flemme de chercher des images adaptées, on a dit l’article il est à l’arrache, vous allez manger des écholalies, sorry not sorry)(et bon appétit)
ou qui disent des trucs random ? pensée pour cette amie dont une voix déclarait très solennellement “les carottes sont cuites !” alors que non y avait aucune carotte à cuir.
etc
etc
Serge Tanguy que je citais plus tôt nous racontait comment beaucoup de ces voix projetaient juste sur le bruit des choses autour de lui. Expérience que d’autres partagent aussi avec des voix qui font surtout des bruitages et autres onomatopées.
C’est là.
Ça sert à rien.
Mais c’est là.
Est-ce que du coup, ces voix-là il faut les éradiquer ? Est-ce que leur non utilité rend ok leur éradication ?
Le truc, c’est qu’on peut pas vraiment choisir. (KEEP WATCHING ME SHUT YOU DOWN)(ha oui j’ai ouvert la boîte de Pandore avec mes conneries moi du coup, my bad, c’était la provocation, nous allons toustes payer pour mon hybris !)(vous allez voir à quel point ça sert à rien…) On peut pas dire “je veux cette voix et pas celle-ci”.
C’est tout ou rien. (DAAAAAAAAAAAAVID !)(c’est le plus beau jour de la vie des voix, j’ai enfin trouvé une vidéo où on l’entend celle-là)
3 : De l’extérieur à l’intérieur et retour
Peut-être qu’il faudrait qu’on se méfie avec ce discours sur l’utilité des voix (et des “““symptômes””” en général). Ou plutôt, qu’on lui donne sa juste place.
C’est important de revendiquer le rôle que les voix peuvent jouer, et notamment le rôle bénéfique, parce que justement, elles ont des choses à nous apporter, à nous dire, à nous raconter, d’une façon ou d’une autre. C’est important parce que le monde entier considère que ce sont des boulets dont il faut se débarrasser, et ce quel que soit le prix. Que ça t’ampute les émotions la capacité de réflexion les fonctions cognitives en général et tous les autres effets secondaires, peu importe, du moment que tu tej le tout ! Alors il y a une réappropriation nécessaire, un besoin de redonner de la valeur à cette part de nous.
Mais ça ne peut pas suffire.
Ça ne peut pas parce que ça ne laisse pas de place à ces autres voix qui servent à rien à part à m’empêcher d’écrire deux phrases complètes et cohérentes, et qui pourtant sont là, et qui vont le rester parce que y a pas le choix. À partir de là, il faut bien que je trouve une autre façon de les accepter que leur utilité. Parce que je peux pas vivre en considérant ces voix comme juste des trucs nuisibles insupportables et invivables que peut-être ça vaudrait le coup de tout amputer quelque soit le prix. (i bring i bring i bring dramamamamaamamama)
Et surtout, on laisse encore sur le côté les fols avec une majorité de ces voix inutiles envahissantes. Les fols avec une folie cracra qui n’arrivent pas à en faire quoi que ce soit.
Tout n’a pas à être utile, à être productif.
C’est ce qu’on défend à l’échelle d’une société : on ne doit pas défendre les humain·es en fonction de leur valeur, sous entendu de leur capacité à créer de la valeur monétisable. (money for nothing and chiks for free !)(sachez que je filtre en vrai)(mais on trouvait drôle et pertinent de vous en laisser, histoire de démontrer par l’exemple)(oui ça écholalise beaucoup à coup de chansons ici, toutes les voix n’ont pas accès au langage alors elles trichent) On ne peut pas indexer les droits sur la capacité des gens à faire de la thunasse pour le grand capital. On ne devrait pas soumettre les besoins vitaux à l’argent (oui ça inclut la bouffe et le logement).
L’utilité, la productivité, ne doivent pas être la base de défense des individus dans une société.
Alors… pourquoi on le fait pour nos paysages internes ?
Est-ce qu’on ne risque pas la même chose que quand on le fait à l’échelle d’une société, à savoir, fragiliser les plus vulnérables qui ne pourront de toute façon jamais rentrer dans les cases ?
Est-ce qu’on ne devrait pas justement lâcher prise avec ça pour être sûr d’inclure aussi bien les fols aux folies les moins décryptables que les bouts de nos folies qui vont de toute façon continuer de faire du n’imp ?
Ça se trouve j’arrive trois mille ans après tout le monde et vous avez déjà toustes fait le lien. Juste ça m’a frappé cet aprem en discutant avec une entendeuse qui mettait beaucoup ça en avant, l’utilité et ce qu’on pouvait apporter au monde par là…
et à un moment je me suis demandé si on était pas en train de reproduire un truc qui dans le fond est peut-être pas si terrible que ça en vrai, si on préparait pas le terrain pour un suprémacisme fol (mais si vous savez, ces discours qui visent à dire qu’on a accès à des choses que les non fols ne peuvent pas percevoir / comprendre et que donc on est plus mieux dans le fond) ?
À quel moment le besoin de se réapproprier son monde intérieur en lui rendant ses lettres de noblesse quand le monde entier lui crache à la gueule se heurte à la reproduction de dynamiques dommageables ? Si c’est une étape nécessaire, comment on s’assure qu’on ne reste pas bloqué·e là à nos dépens et à celui de nos camarades ?
Again, j’ai pas la réponse… juste ça m’a frappé cet aprem et j’avais envie d’en discuter et d’écrire un peu… (pour une fois que j’avais envie d’un truc OO)(et que je l’ai fait !!!)(BLOODY HELL) qui sait, ptet on se retrouve d’ici quelques mois avec un follow up…
In the meantime, free the voices I guess.
(DAAAAAAAVIIIID !)