“Que sommes nous si ce n’est les histoires que nous nous racontons ?”- Partie I
[Ceci est la version article de mon intervention au congrès mondial de l’Intervoice 2023. Ça risque d’être long parce que j’ai parlé 1h30… bon ceci dit je devais m’auto-interpréter en anglais en direct live, but still, ça fait 45 minutes à l’oral quoi. D’ailleurs au final c’était tellement long à votre demande j’ai coupé en trois parties pour plus de confort ! La partie II est déjà disponible ici.Et la III vient d’arriver !]
Des fois, j’ai pas envie de sortir du lit. J’ai pas la force de bouger, de faire quoi que ce soit. Des fois c’est juste trop dur. Tout est trop dur. Et bon, ça arrive quand même régulièrement vu que je suis insomniaque et (encore) en plein burn out. Quand ça arrive, je pense à Senua, l’héroïne du jeu Hellblade.
Senua est une guerrière picte. Alors qu’elle était partie chercher des réponses seule, dans le fin fond de la forêt, elle découvre en revenant que les vikings ont raid son village, tout détruit, tout brûlé… y compris l’homme qu’elle aime, qu’ils ont torturé et violemment assassiné. Senua décide alors de traverser Hel, dans le but de combattre Hela, la déesse de la mort chez les Nordiques, dans l’espoir de sauver son arme.
Senua doit traverser l’enfer et les pires épreuves pour espérer réussir à sauver celui qu’elle aime.
Senua est folle, Senua entend des voix qui vont l’aider ou non, à mesure que ses propres doutes grandissent.
Mais Senua traverse l’enfer et trouve du sens.
Et quand je n’arrive plus à me lever le matin alors qu’il faut quand même le faire, je pense à Senua. Et à toute la force et à tout l’espoir qu’elle m’a donné. Et je me dis que si elle a pu traverser Hel malgré tout, je peux bien traverser Paris. (et soyons honnête c’est presque pareil)
C’est de ça dont j’ai envie de parler. De ce que les histoires nous font, de ce qu’elles nous offrent, de ce qu’elles nous permettent de faire, et que sans elles, on serait bien incapable de faire…
Catharsis et identité
La catharsis est sans doute l’une des fonctions que j’aime le plus dans les histoires… Mais peut-être que ce terme vous parle pas. Chez nous, en études théâtrales, c’est un truc qu’on apprend dès la première année de licence, quand on est encore un bébé étudiant. Ça a été conceptualisé par Aristote, au 5ème siècle avant JC. C’est dire si ça date… Aristote est un gars qui a dit beaucoup de conneries, sur lesquelles on est beaucoup revenu, mais là dessus, on ne peut pas lui enlever qu’il avait chopé un truc quand même. Il décrit la catharsis comme une fonction de la tragédie. Vous savez cette forme théâtrale où il se passe des trucs affreux et où en général ça finit mal voire très mal. Et bien son rôle premier, selon Aristore serait de “purger les passions”. C’est-à-dire que le théâtre, et notamment la tragédie, permettrait de ressentir ces émotions violentes, et de s’en sentir libéré.
Alors je sais pas si Aristote entendait vraiment que ça résolvait tout, ou si c’est juste un truc qu’on lui a fait dire par la suite. Personnellement, la façon que j’ai de le comprendre, c’est plutôt comme ceci : les histoires matérialisent les émotions. Souvent, on vit et on ressent des choses, et on sait pas quoi en faire. Parfois, on sait même pas comment les nommer. Les histoires, quel que soit le medium qu’elles prennent, donnent une forme à tout ça. Une forme qu’on peut saisir et comprendre parce qu’elle est extérieure à nous, et parce que nous ne sommes pas directement responsable des enjeux qui en découlent. On peut donc explorer ces émotions sans avoir à assumer les conséquences de celles-ci. Et ça, c’est quand même une sacré libération en vrai. Par cette exploration, on peut comprendre certaines choses que nous vivons, et même, trouver des réponses à des questions, y compris des questions qu’on ignorait qu’on avait parce que justement on était bien incapables de les formuler. Pour moi, tout ça, ça fait partie de la catharsis.
Et c’est quand même assez incroyable comme pouvoir quand on y pense.
Mais les histoires, c’est tellement un truc incroyable, que ça s’arrête pas là.
Les histoires ont aussi un rôle important de construction identitaire (en bien comme en mal, mais c’est pas tellement le sujet là). Elles construisent les groupes : dans les histoires qui passent d’une génération en génération, on trouve les valeurs qui unissent ce groupe et le font vivre. Elles assurent la transmission, l’apprentissage. Et par ce biais, elles construisent aussi les individus : les histoires étant des fenêtres sur le monde, en fonction de celles que l’on absorbe, celles que l’on rejette, on construit son propre paysage intérieure.
C’est à tout ça qu’on pense quand on parle de l’importance de la représentation dans les fictions : parce qu’elles nous permettent de nous sentir compris, de nous sentir moins seul. Et que les humain·es ont tendance à bien aimer ne pas être seul. (KILUCRU !)
C’est donc pour ça qu’aujourd’hui j’ai envie de parler de ma série préférée. Parce qu’elle m’a apporté des réponses, parce que je me suis reconnu, parce que j’ai compris des choses sur ma colère, sur le monde qui m’entoure et ma place dans celui-ci. Parce qu’enfin je me suis senti moins seul avec beaucoup de choses qui font mon quotidien. Et que grâce à tout ça, j’ai pu reprendre la main sur beaucoup de choses et me réapproprier une partie de ma propre histoire.
Aujourd’hui donc, on va parler de Legion.
But they couldn’t stop Jack, or the waters lapping
And they couldn’t prevent Jack from feeling happy
(héhé, vous vous avez le droit à la scène d’ouverture du tout ! petit TW : tentative de suicide en toute fin de vidéo)
Legion : histoire et enjeux
Legion se déroule dans l’univers des X-men. Pas de panique si vous n’y connaissez pas grand chose, voire rien, aux X-men, la série a été pensée pour pouvoir être vue indépendamment. Pas besoin de connaître tout le lore donc ! La seule chose que vous avez besoin de savoir, c’est qu’on est dans un monde où il y a des mutant·es qui ont donc des pouvoirs plus ou moins badass, plus ou moins utiles, et que les humain·es réagissent comme iels réagissent souvent face à quelque chose de différent : iels se lancent dans une guerre pour les éradiquer. Avec ça vous êtes paré·es.
La série se centre sur David Haller, un homme d’une trentaine d’années. On nous fait un rapide résumé de sa vie : depuis toujours, David est un garçon bizarre. À l’adolescence, il enchaîne les conneries. On découvre aussi qu’il entend des voix et on le diagnostique schizophrène, avant de le médicamenter. Malheureusement les choses ne semblent pas s’améliorer, et à l’âge adulte, David, épuisé par les voix et le reste, tente de se suicider pour que ça s’arrête. Suite à cela, il est interné en HP. Et quand la série commence, ça fait six ans qu’il y est. Et il s’y fait chier comme un rat mort. Au point que pour s’occuper, il compte les jeudis, même qu’on en est à son 246 jeudi.
“It’s just a Thursday. My 246th Thursday in this crueship called mental health”
Autre occupation. Avec sa camarade d’internement, Lenny, iels essaient de deviner quels traitements les autres patient·es prennent en observant les éventuels effets secondaires repérables.
L’éclate quoi. David est donc laissé ici pour pourrir, et quoi qu’il dise à sa soeur, il n’obtient aucun soutien pour le faire sortir de là puisqu’elle a l’air de penser que c’est le mieux pour lui.
Le temps passe donc. Jusqu’à l’arrivée de Syd, internée parce qu’elle ne supporte pas qu’on la touche, ce qui lui vaut un diagnostic de personnalité antisocial. (bah oui enfin, refuser que les autres te touchent toi, c’est forcément contre elleux !) David en tombe amoureux aussitôt.
-Will you be my girlfriend ?
-Ok. But don’t touch me.
Et puis surtout, un autre événement finit par survenir… L’hôpital subit une sorte d’attaque et tous les patient·es et soignant·es finissent enfermé·es dans les chambres. Dans la confusion, et chacun·e par des moyens détournés, Syd et David s’enfuient. On découvre alors que des gens cherchent à enlever David. Ces gens : une équipe de mutants, qui veulent justement défendre les leurs. Plus surprenant encore, ces gens sont convaincus que David est un mutant extrêmement puissant, et qu’il pourra jouer un rôle clé dans la guerre qui se joue avec les humain·es. Par des voies différentes, David et Syd atterrissent donc parmi ce groupe, et la série est lancée.
L’un des principaux enjeux va être le suivant : David est-il un puissant mutant ? ou bien est-il vraiment fou ? (oui parce qu’apparemment l’option “les deux” n’est pas disponible pour ces chers personnages, dommage) Tout au long de la série, toustes vont poser leurs propres mots, leur propre explication sur le parcours de David, sans jamais vraiment se soucier de ce que celui-ci en pense ou ressent. Une bonne partie de l’histoire racontée par la série tient là dedans : comment David parvient (ou non) à se réapproprier sa propre histoire, son propre vécu, alors que tout le monde a son mot à dire et semble savoir mieux que lui ? Le tout en étant lui-même complètement dépassé par les événements ? Legion, c’est en bonne partie l’histoire d’un fou qui va devoir trouver un moyen de faire du sens de ce qui lui arrive, alors même que franchement, ça n’en a pas beaucoup.
Comment récupère-t-on son agentivité quand 1) on est épuisé, perdu, et clairement à la masse (d’une façon ou d’une autre), et 2) tout le monde a décidé que vous ne deviez pas en avoir (pour une raison ou une autre) ?
C’est de tout ça que j’ai envie de parler aujourd’hui. De ces enjeux qui sont en fait aussi les miens, alors même que j’en avais encore pas trop conscience à ce moment-là.
Et pour discuter de tout ça, je vous propose de traverser quelques unes de mes scènes préférées (c’était dur de choisir)(vous vous rendez compte qu’en format article je pourrai m’amuser à rallonger encore et encore la liste des scènes à discuter parce que sky is the limit ? j’espère que vous admirez mon honnêteté et ma résistance pour me contenir aux trois évoquées au congrès !)…
Delusion collective
La première dont j’ai envie de parler se trouve presque à la fin de la saison 1. Alors on va commencer par faire un résumé très grossier de ce qui s’y passe (très grossier parce que vraiment il se passe une tonne de trucs et bon c’est quand même une série à base de mutants et de super pouvoir et de folie soooooooooooooooooo, it’s a complex mess). Syd et David passent beaucoup de temps au camp des mutant·es où iels apprennent à utiliser leur pouvoir, tout en retraversant leur propre vie pour comprendre comment celui-ci l’a impactée, et a été pris à tort (lol) pour une maladie mentale. [insérer image de Dandelion hurlant “IT’S BOTH ! FOR FUCK’S SAKE !”] Le tout en essayant de ne pas se faire choper par la division 3, l’instance gouvernementale chargée de coincer les mutant·es. On réalise au passage que David est en fait parasité par un autre mutant, bien plus puissant et plus ancien : le Shadow King. Ce roi des ombres se nourrit du pouvoir et de l’énergie de David sans doute depuis qu’il est tout petit, et pour que David puisse vraiment contrôler son pouvoir, et surtout ne pas finir par mourir à cause de ce roi des ombres (ce serait balo quand même), il va falloir le coincer et le sortir de la tête de David. Ce que bien sûr, le roi des ombres ne voit pas d’un bon oeil. Alors quand l’équipe des mutant·es se rapproche un peu trop de lui HOP ! Il déploie toute sa puissance pour enfermer tout le monde dans un délire collectif qui leur tiendra lieu de prison mentale. Et quoi de mieux pour jouer le rôle d’une prison, mentale qui plus est, qu’un hôpital psychiatrique ?
Nous retrouvons donc l’entièreté de notre groupe de mutant·es interné·es dans le même HP que celui où David était en début de série. Celui où il a passé six ans de sa vie (certaines séries devraient prendre des notes sur la cohérence délire / parcours de vie mais bon je dis ça je dis rien). Après tout, on ne crée rien à partir de rien, alors le Shadow King ayant passé plus de trente ans dans la tête de David, il recycle les environnements. Ça les rend d’autant plus crédible. (because that’s how madness works you know ? elle utilise les éléments de nos vies comme des légos et construit avec)
Dans cette prison mentale, il se passe alors une première chose sur laquelle j’ai envie de m’arrêter : tous les persos écopent d’un diagnostic. Pourtant, aucun d’elleux n’a changé. Leur caractère est le même. Leur comportement est le même. Mais d’un coup, toustes héritent d’un diagnostic psychiatrique. Tout ce qui faisait leur fonctionnement est soudainement pathologisé. Pourtant, iels ne sont pas plus malade ou plus dysfonctionnel que dans la réalité. Mais l’autorité psychiatrique a soudainement décidé que… c’était pathologique. Pour couronner le tout, David et Syd, qui se sont rencontré·es en HP et avaient donc déjà reçu un diag, voient leur diagnostic changer ! Alors qu’elleux-mêmes n’ont pas changé du tout. David n’est plus schizophrène mais bipolaire, et Syd n’a plus un trouble antisocial de la personnalité, mais est schizo paranoïaque. Ce qui est quand même vachement pratique pour décrédibiliser sa parole vu qu’elle est la première à réaliser qu’il y a un problème… et qu’à cause de l’étiquette psy, David ne la croit pas, même s’il l’aime…
C’est toute une réflexion anti-psy qui s’ouvre dans cette simple mécanique : les diagnostics psychiatriques n’ont pas d’autres valeurs que leur autorité. Les personnages sont exactement les mêmes, iels ne sont ni plus malheureux, ni plus malades, ni plus dysfonctionnels. Rien n’a changé en dehors du cadre. Et ça, ça n’a rien de fictionnel. Finalement, la question de la psychiatrie est moins de savoir si on est heureux, équilibré, mais savoir si on est dans la norme, norme qu’elle est en charge d’ériger. Et si on ne l’est pas, c’est pathologique.
On peut citer dans ce genre le deuil pathologique dont la longueur varie selon les éditions du DSM (vers sa réduction bien sûr, parce qu’il faut pouvoir retourner au travail le plus vite possible). Ou le trouble de l’opposition, parce que c’est toujours pratique de pouvoir pathologiser l’opposition vous savez. Le trouble bordeline qui permet trop souvent de pathologiser les émotions des gens, notamment des femmes traumatisées. Et sans compter tous les usages de tous les diags pour simplement insulter ou pathologiser l’adversaire, de façon à décrédibiliser l’autre, parce qu’une fois associé à une patho psy, on perd toute crédibilité aux yeux des autres qui ne nous confèrent plus aucune raison ni capacité de raisonnement.
Trop souvent donc, l’apposition d’un diag psy n’a pas grand chose à voir avec une volonté réelle d’aider, de soigner, de soulager, mais bien de labéliser un écart à la norme. Et si on peut souffrir de ces écarts à la norme, on peut aussi vivre bien avec. Et souvent même passer de l’un à l’autre.
C’est bien ça que montre cette hypothèse : finalement, les diags psys ne sont que des fictions racontées par une autorité de contrôle, qui ne soucie pas vraiment de savoir si ces fictions nous aident ou non. Ce n’est de toute façon pas nous qui racontons.
The British Self
J’aime énormément cet épisode parce qu’il passe justement d’une histoire imposée par l’autorité psy (incarnée par le Roi des Ombres, mais là encore, c’est une autorité qu’il a apprise parce que David y a été confronté depuis l’adolescence) à David qui se réapproprie son histoire.
En effet, l’épisode avance. David ne donne toujours pas au Shadow King ce qu’il veut, et ça commence à sérieusement l’agacer. Il décide alors d’enfermer David encore plus loin dans cette réalité délirante. Et c’est quoi le cran encore au dessus de l’HP comme prison mentale ? Bah un cercueil pardi ! David se retrouve prisonnier d’un cercueil dans le fin fond de son propre esprit, condamné à s’épuiser jusqu’à la mort, moment où le Shadow King pourra alors s’emparer de son corps et de ses pouvoirs. David a donc la seule réaction logique : il hurle, il panique, il frappe le couvercle de toutes ses forces. (Fun fact : petit détail, mais on a plein d’indices qui montrent que six ans d’internement ont rendu David claustro) Une réaction normale, mais pas très efficace pour sortir de là… (hé on peut pas tout avoir dans la vie ! la panique ou l’efficacité ! il faut choisir !)(enfin quand on peut quoi) Hors, la vie de David dépend de sa capacité à trouver une sortie !
Heureusement, David est fou. Ouf alors !
Car voilà qu’apparaît un double de David ! Et pas n’importe quel double : un British Self ! Ce British Self va alors entreprendre de calmer David qui est franchement confus quant à l’apparition de ce qu’il croit être un nouveau monstre. Logique : ça fait bientôt trente ans qu’on lui explique que tout ce que son cerveau produit est monstrueux, sans nuance. Même du côté des mutant·es, on est parti sur ce principe, juste que c’était le Roi des Ombres plutôt que des hallucinations, mais le principe reste le même. Tout ce que David ne contrôle pas est monstrueux. Or, le British Self commence à lui expliquer que oui, c’est son esprit qui l’a créé, parce qu’il est clairement en PLS, et que s’il continue il va crever, donc son esprit l’a créé lui pour l’aider à sortir de là.
David : … and you’re British ?
British Self : As I say, I’m your rational self.
Vraiment cet échange est fabuleux à tous les niveaux. La petite querelle UK-US bien ancrée qui trouve son chemin jusque dans la petite tête de David parce que c’est presque comme si la folie plantait ses racines dans ton contexte culturel, vraiment kilucru comment dire je tombe des nues. Et c’est encore un peu plus pépite quand tu sais que l’acteur qui joue David est… britannique. Je vais pas développer plus mais je vous laisse juste réaliser à quel point toute cette superposition de petites couches de sens est aussi subtile que vertigineuse. (et un jour je vais écrire un article sur les liens folie — acting parce que I have opinions mais j’ai genre trois burn outs deux dépressions à soigner avant il paraît)
À partir de là s’en suit une des meilleures scènes de reconnaissance que je connaisse. Même que j’en parlais dans ce thread (regardez comme vous êtes chanceuxses vous avez même du contenu bonus par rapport à la conf !) si vous voulez creuser (et vous pouvez même check un article ENTIER où j’explique en quoi Legion est une tragédie, oui oui oui). Mais pour résumer, le British Self aide David à se calmer, et le pousse à créer un endroit, dans cette réalité psychique, où il va pouvoir réfléchir. À partir de là, il va le pousser à faire le tri de son bordel émotionnel, pour recoller les morceaux de son propre puzzle. “Facts” s’écrit-il à chaque fois que David recommencer à folayer / paniquer… jusqu’à comprendre le secret qui entoure sa naissance, pourquoi il est là, et comment il peut sortir et reprendre le contrôle.
C’est un retournement des représentations de la folie qui pour moi est essentiel et trop rare dans la fiction. David s’en sort non pas malgré sa folie, mais grâce à elle. Sans la folie, David serait mort, étouffé dans le fond de son propre esprit. C’est la folie qui matérialise ce British Self pour l’aider à trouver les réponses dont il a désespérément besoin. Réponse que la psychiatrie comme les mutant·es étaient censé·es l’aider à trouver, mais comme tout ce petit monde était trop occupé à projeter sa propre interprétation, forcément, ça ne marche pas très bien. (pour ne pas dire pas du tout) C’est parce que David accepte d’embrasser sa propre folie qu’il peut reprendre le contrôle de son corps… et au passage de sa vie.
Souvent, le monde extérieur va plutôt chercher à nous couper de la folie en lui refusant toute capacité réflexive ou de création de sens. Or, comme j’ai déjà pu m’époumoner à le dire ici et là, la folie c’est justement ce qui arrive quand la réalité ne fait plus sens. Elle n’enlève pas de sens à la réalité, elle tente d’en apporter, de boucher un trou qui est insupportable à vivre. Ça ne veut pas dire qu’elle tombe juste, qu’elle le fait bien ou que les réponses qu’elle apporte sont agréables. La folie c’est ce qui arrive pour soulager quelque chose de tellement insupportable que l’esprit se casse dessus. C’est dire la gueule de la réalité de base !!! Appréhender la folie ne veut pas dire la chasser ou la réduire à néant, c’est tout simplement pas possible. Ça veut dire apprendre à décoder, et à lui donner la parole au mieux pour qu’elle ne crée pas des trucs horribles justement pour obtenir ton attention.
Le British Self est une bien meilleure option que les monstres que David a pu imaginer par le passé. C’est une matérialisation bien plus supportable et constructive, mais ses racines sont les mêmes. Ce qui a changé, c’est la capacité de David à accepter ça et à écouter. Parce qu’il accepte cette part de folie, il peut se la réapproprier, et parce qu’il se la réapproprie, il peut se réapproprier sa propre histoire.
Et ça pour moi, c’est un message essentiel à transmettre dans une fiction : laissez les fols se réapproprier leur histoire et mettre les mots qu’iels veulent dessus, parce que c’est ça qui fait sens, et c’est ça qui leur permet d’avancer. Ça sert à rien de nager contre le courant, tu vas juste te faire fracasser par les vagues. Il faut apprendre à se laisser porter, comprendre le courant, pour ne pas se noyer dedans et retrouver le rivage quand ça sera possible.
Ptet la vidéo spoile un peu mais bon à ce stade de l’article on est plus à ça près (et bon courage pour relier les points anyway xD). Puis je suis sûr que vous avez toustes très besoin de voir un fou détruire un HP à coup de télékinésie. That’s the stuff.
La suite se trouvera dans deux autres articles que j’espère ne pas trop traîner à publier après celui-ci. On y parlera :
- des disputes des voix, ce qu’elles symbolisent, et pourquoi on a besoin
- de quoi les voix se nourrissent pour construire leurs discours
- de sanisme (OF COURSE)
- de “rétablissement” mais selon les sanes hein
- pour finalement comprendre l’importance de voir tout ça dans une fiction quand justement le monde entier te répète sur tous les tons et à tous les endroits possibles que ton esprit, et donc tes conclusions, ne valent rien
La fiction c’est important, see you soon donc !
Genre sur la partie II…