Avertissement : cet article contient des vrais bouts de folie, sa lecture n’est donc pas toujours facile. Mention de suicide et de mutilation. [notamment dans les longs paragraphes en italique]
L’un des éléments qui permet de définir la tragédie, c’est son caractère inéluctable. Non seulement on sait déjà dès le début que ça finira mal, mais en plus, on ne peut rien y faire. C’est les parents d’Oedipe à qui on prédit qu’il tuera son père et épousera sa mère, l’abandonnent pour éviter ça, entraînant qu’Oedipe ne connaissant pas ses parents biologiques, finit par tuer son père au hasard d’une altercation stupide, et épousera sa mère, là aussi, au hasard de retrouvailles. Quand tout le monde se rend compte de qui est qui, il est déjà trop tard. L’inéluctable, c’est l’essence de la tragédie.
Et parfois, je me dis que c’est aussi l’essence du diagnostic psychiatrique.
So easily we’re persuaded
When the lines are blurred and faded
No one ever starts that way
But this is how villains are made
This is how villains are made
C’est marrant parce qu’on présente souvent la maladie mentale comme une tragédie. C’est la vision courante, celle qui nourrit la stigmatisation, l’aliénation et l’inspiration porn. Parce que oui, si tu arrives à vivre ta vie malgré le truc qui est censé la ruiner de A à Z, c’est un miracle. C’est marrant parce que ça fait partie de ces moments où l’imaginaire populaire a raison mais absolument pas pour les raisons qu’il croit.
On va me dire “mais tu viens toi-même de dire que la tragédie c’était l’inéluctable”. Et oui je l’ai dit. Mais j’ai aussi dit que les parents d’Oedipe avaient travaillé à réaliser la prophétie, et donc à leur propre perte. Et c’est un élément important de la tragédie à prendre en compte : elle est non seulement inéluctable, mais les acteurices travaillent activement à cette réalisation.
Histoire de connecter nos fils, on va parler de Legion (oui, encore… c’est le principe des intérêts spés que voulez-vous)(un grand merci complètement random à Alistair au passage qui en s’autorisant à parler de Naruto si fréquemment nous a permis de nous autoriser à faire la même).
David Haller est d’abord diagnostiqué schizophrène et enfermé dans un HP suite à une tentative de suicide pendant six ans. Il en est libéré par une organisation de mutants : il ne serait pas malade mental, mais un puissant mutant aux pouvoirs psychiques non contrôlés, qui s’apparenteraient alors à une schizophrénie. Évidemment, moi et toustes les fols de ma connaissance, on a passé les deux premières saisons à hurler “BOTH ! HE’S BOTH YOU IDIOT !!!”. Parce que bien sûr, pour tous les persos, David ne pouvait pas être à la fois un mutant ULTRA PUISSANT ET un FOU. C’est soit l’un soit l’autre. Just like dans la vraie vie, nous ne pouvons pas produire des réflexions de qualité ET être complètement pété du casque. On pourrait faire un article entier sur le sanisme vs l’inspiration porn dans Legion mais ce n’est pas l’article du jour. (watch me forshadowing les prochaines fois où je vous casserai les pieds avec)
Ce qui est intéressant, c’est que saison 2, David rencontre Future Syd. Future Syd, telle l’Oracle de Delphes version 2.0, vient le prévenir qu’il doit absolument aider à retrouver le corps de Farouk, son ennemi juré, car il est le seul à pouvoir vaincre la terrible menace qui s’apprête à détruire le monde. On apprendra plus tard que la terrible menace en question n’est autre que David lui-même. Se faisant, Future Syd enclenche toute une série d’événements qui vont justement conduire à la réalisation de ce futur.
L’antagonisme entre David et Farouk va être poussé à son paroxisme
La colère de David va être entretenue sans qu’on lui donne le moindre outil pour gérer
De manière générale, David est exploité par tous les côtés
Y compris ceux qui vont jouer contre lui
De manière générale, personne ne se soucie de comment David encaisse les différents traumas qu’il doit gérer
Il est soit exploité soit on s’en méfie
Au final, David commet des actes gravissimes, dont il est effectivement responsable. Techniquement, on ne l’a pas forcé. Mais la situation fait qu’il a été plus que poussé à bout et qu’aucune des personnes censé l’aider ne l’a fait. Pire, celles-ci le trahissent de la pire façon, et préfèrent condamner ses actes à venir plutôt que ceux qu’il a effectivement déjà commis.
Si David est responsable de ses actes et aurait pu / dû faire autrement, qu’en est-il de la responsabilité de Syd et Future Syd ? de Farouk ? de la division 3 ? de Carry ? de Fukiyama ?
Si Oedipe est responsable du meurtre de son père et d’avoir couché avec sa mère, qu’en est-il de la responsabilité de ses parents ?
Si les fols débordent de colère et sont responsables de leur choix, qu’en est-il de la responsabilité du monde qui nous pousse à bout ?
I’m Not Formed By Things That Are of Myself Alone
Alors on me dira que tout ça c’est de la fiction.
Certes.
Le problème c’est que…
1/ la fiction n’apparaît pas ex nihilo. Elle est construite à partir du réel.
2/ la réalité dépasse la fiction si souvent qu’on devrait s’inquiéter de présenter Oedipe et David Haller comme des exemples extrêmes.
Ces derniers jours, une nouvelle étude prouvant que la dépression n’avait rien à voir avec un manque de sérotonine, un mythe entretenu depuis trop longtemps. On rappelle donc finalement à quel point la dépression est une maladie dont les causes sont sociales, événementielles, et que s’il y a bien un impact sur le cerveau (que personne ne cherche à nier à ma connaissance), il ne faut pas confondre cause et conséquence. Soigner la dépression, passe donc par résoudre les causes sociales, accompagner les gens dans ce qu’il leur faut vraiment. Et certain·es camarades de signaler qu’il en va de même pour la psychose, n’en déplaise au reste du monde qui aime trop nous présenter comme des dangers ambulants sortis de l’humanité.
La différence entre dépression et psychose dans le traitement, là encore, elle est pas là où on croit. Dans les discours publics les dépressifves sont victimes et il faut les soutenir et les aider à s’en sortir. Là où ça commence à coincer, c’est dans les relations individuelles, où on en revient rapidement à “mais bouge toi le cul passe à autre chose” et la violence qui peut aller avec. La vraie différence finalement avec la psychose, si on tient à entretenir un militantisme par diag (ce qui est une mauvaise idée mais pas le sujet ici), c’est que les psychotiques n’ont même pas le droit à ce discours public.
Nous sommes d’office les violents, les dangers. Quand on parle des conditions en HP, c’est presque normal qu’on soit traité comme ça. Le vrai problème serait quand ça arrive à des dépressifves, des autistes. Alors que le vrai de vrai problème, c’est qu’on puisse trouver normal d’attacher enfermer isoler droguer de force. Point final. Mais quand ça arrive aux fols, c’est normal.
Et ça, on le sent partout. Les discours de l’anti-psyhiatrie sont raillés sans même que les gens en aient vraiment pris conscience. Ça pont ses meilleurs threads / vidéos de 30 minutes en mode “j’ai dead ça” sans même avoir réellement lu nos productions théoriques. C’est pas qu’il n’y a rien à redire à l’anti-psychiatrie (à partir du moment où c’est produit par des humain·es, c’est faillible, toujours se méfier de n’importe qui posant un raisonnement comme infaillible), mais plutôt que ces personnes considèrent d’office que l’anti-psychiatrie n’a rien à offrir, PIRE, qu’elle ne peut rien offrir puisqu’elle est produite par des fols. Alors c’est jamais dit, mais on le sent. On le sent parce que ça nous attaque sur des choses auxquelles on a déjà réfléchi. Et ça nous attaque là-dessus comme si c’était un angle mort.
Parce que c’est bien connu, les fols ne peuvent pas produire de raisonnements rationnels, pertinents, innovants. Les fols doivent rester l’objet du raisonnement, iels ne peuvent en être le sujet pensant et actif.
Il y a des moments comme ça, où on se rend violemment compte que le jeu est truqué. Où plutôt, qu’il est inscrit dans les règles que tu vas perdre.
C’est inéluctable.
Combien de camarades usent de leur belle énergie et de leur incroyable richesse intellectuelle dans des “débats” où en fasse ça cherche juste à avoir l’air malin ? Pire, quand iels perdent leur sang froid, on vient le leur reprocher.
Et pourtant, jusque là, iels avaient joué dans les règles de l’art. Pédagogie et source à l’appui. Mais que valent des ressources créées par des fols quand on a décidé que les fols étaient incapable de penser ? Que valent les (nombreuses) études universitaires (en sociologie, en psychologie, et parfois même en psychiatrie) démontrant l’impact de l’environnement social sur la maladie mentale, et le traitement des fols, quand “j’ai connu un schizo qu’a défoncé la tête d’un mec” est la seule réponse qu’on fournira ?
Le tragique de la maladie mentale, ce qui la rend inéluctable, ce n’est peut-être pas la maladie mentale elle-même. C’est que le monde qui t’entoure a déjà décidé que c’était foutu. Et à partir de là, agira en conséquence.
Pourquoi s’emmerder à penser autre chose que la psychiatrie quand de toute façon on ne pense pas que tu puisses faire autre chose que dépérir ? L’eugénisme se rapproche mais c’est encore un peu trop edgy à revendiquer, alors faut bien les ranger jusqu’à ce qu’on est le droit de les buter. Aktion T4 style.
Pourquoi penser des traitements alternatifs quand tu essentialises la violence des malades mentaux ? C’est bien connu, notre violence n’est pas une réponse. Tu manques de sérotonine, t’as trop de dopamine dans le cerveau ET PAF tu fais des chocopics avec les tripes de ton voisin.
Pourquoi lire le travail des militant·es anti-psys, les témoignages des survivant·es de la psychiatrie, puisque de toute façon ces gens ne savent pas penser et sont incapables de travailler ? T’as déjà essayé de débattre avec un pigeon ? Au mieux il va te chier sur la tête, au pire il fera des chocapics avec tes tripes.
Pourquoi faciliter l’accès à l’AAH, réellement réfléchir l’accessibilité de nos environnements ou repenser le fonctionnement de notre société puisque de toute façon c’est tout dans nos têtes ?
C’est facile de débattre avec des fols, c’est marqué dans la règle du jeu qu’iels perdent à la fin. Tu gagnes dans tous les cas. Et comme le monde te donnera raison, peu importe que tu te sois comporté·e comme un pigeon chiant sur l’échiquier pour se donner un air. En face, ça ose remettre en cause la Sacro Sainte Scionce™, ça prouve bien qu’iels sont fols t’as vu. D’ailleurs, iels s’énervent au bout d’un moment, tu vois on peut pas parler avec ces gens ! Toute façon sont paranos, bande de conspis.
Et c’est la même face aux soignant·es. On est dans le déni. Même quand ça veut bien reconnaître l’impact des conditions sociales, ça viendra quand même te dire que le problème c’est ta réaction.
Quand le burn out s’est déclenché et que j’ai fini chez une random médecin, elle m’a accusé d’être en refus de soin quand j’ai décliné l’arrêt maladie. J’ai eu beau expliquer que si j’arrêtais de travailler j’arrêtais aussi d’avoir de l’argent pour manger et payer mon loyer, c’était ma faute.
Et des exemples comme ça, y en a plein la psychiatrie.
Parce que le Diag™ tu vois, c’est marqué dedans que les fols sont en défiance vis à vis des soignant·es, parce que l’opposition systématique, et puis bon, ça a pas conscience d’être malade.
Personne pour se dire que peut-être pour qu’on fasse confiance aux soignant·es, faudrait qu’iels donnent des raisons de leur faire confiance. Mais qu’est-ce tu veux attendre de gens qui pensent que “soit vous acceptez l’hospitalisation libre, soit on vous interne sans consentement” c’est un vrai choix ? Et ça, c’est juste à l’entrée…
Face tu perds,
Pile iels gagnent
C’est pas compliqué.
What would David Haller do ???
La question pop dans ma tête quand la colère me brûle les veines. We know what he would do…
Des fois j’en peux plus. Quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, on arrive toujours au même point. “oui mais les fous dangereux” et peu importe qu’on ait prouvé que ça peut pas être un argument. Parce que si cette logique était vraiment appliquée, on enfermerait toustes les sains d’esprit parce que c’est elleux qui commettent le plus de violence. Mais c’est pas ça qui se passe. C’est nous qu’on enferme, nous qu’on vilipende, nous qu’on accuse par avance et par précaution, comme ça, juste au cas où. Ça n’a aucun sens et ça n’a pas besoin d’en avoir parce qu’iels sont du bons côtés de la barrière.
On peut respecter toutes les règles du jeu, la partie est perdue avant même d’avoir commencé. C’est inéluctable.
Je veux plus jouer j’en ai marre j’ai mal et ça brûle. Ça vaut pas le coup tu sais. T’es là à essayer de faire les bons choix, pour toi pour les autres, t’es là à te forcer à faire les choses bien parce que c’est la bonne chose à faire, et ça sert à rien parce que t’es mauvais. T’es intrinsèquement mauvais, pourri jusqu’à la moelle et c’est normal que le monde te déteste et quand la psy te demande pourquoi tu penses ça comme si t’étais censé être arrivé à une autre conclusion logique t’as pas de réponse parce que ça serait comme de dire que t’as mal à cause de l’air qui touche ta peau et en même temps c’est un peu ça non ?
C’est inéluctable.
Dans Legion, la série finit sur le procès de David. Procès pour des actes qu’il va potentiellement commettre, on rappelle. Il est le seul à signaler à quel point c’est abusé. On rappelle que ces gens sont les gentils. On rappelle qu’alors qu’il croyait assister au procès de Farouk, le mec qui l’a parasité et abusé pendant 30 ans, soudainement, on l’enferme dans une boule d’énergie, on menace de le gazer s’il est pas calme, on menace de tuer s’il accepte pas les soins. On est surpris que David le prenne mal. On rappelle, encore une fois, que ces gens sont les gentils de l’histoire.
Tu peux pas gagner si t’es le vilain de l’histoire. C’est inéluctable. Je suis fatigué de me battre tout le temps. Je suis fatigué de la violence. Je suis fatigué de voir ce qu’elle fait à mes pairs. Je suis fatigué de rien réussi à faire pour aider. C’est jamais assez parce que c’est trop partout tout le temps. On est toustes épuisés parce qu’on peut rien faire d’autres que compter les uns sur les autres mais on est toustes à bout et l’aide extérieur est trop limité.
Des fois ça grossit tu sais. Ça tonne dans ma tête idée infernale entêtante… What would David Haller do ? Je sais pas j’ai mal. Sans doute pas ça. Tu sens monter le sang bouillir les contours trembler. Tu voudrais mordre. Je peux briser une personne en trois phrases. Je sais faire ça. Je déteste le fait que je sais faire ça. J’ai dû apprendre. Parce que tu peux pas gagner alors j’ai appris. Je déteste avoir dû apprendre la violence pour me défendre de celle que je subissais. je déteste ce que la violence a fait de moi. Je déteste ce qu’elle fait de mes pairs. Je déteste l’idée qu’à la fin on sera toujours coupable parce qu’on est FOLS alors c’est comme ça. C’est marqué dans le DSM que t’as tort connasse fourre toi ça dans le crâne et lâche l’affaire.
Time to put my metal on
Whose neck to cut?
I don’t know
Whose side I’m on?There lies my sanity
There goes my mind, I could not save
I don’t trust what I see right in front of me
I don’t know who to betrayThis is how villains are made
Des gens ont été choqué·es il y a quelques articles quand je disais que j’avais fait promettre à mes proches que si je finissais par me suicider, faudrait les empêcher d’aller raconter que c’est la faute de ma folie.
Pourquoi j’ai fait ça ? Parce que c’est exactement ce qui se passera. Parce que quand un fol se bute, on accuse le diag, whatever that is. “La dépression a fini par l’emporter” “Sa folie l’a tué·e”. Comme si y avait pas de cause matériel au monde qui nous entoure. Y a qui à part les fols pour dire “On lui a refusé toutes les aides possibles.” “Le contrôle psychiatrique c’est devenu trop” “On l’a renvoyé dans sa famille maltraitante parce que tu comprends fallait qu’iel fasse des efforts” ? Y a qui pour nommer l’impact du racisme ou de la transphobie sur les conditions de vie de quelqu’un, et par conséquent, sa santé mentale ?
Tsais t’es privé d’accès aux soins, à la vie pro, aux études, à des relations interpersonnelles décentes, à un logement (décent de surcroît), t’es menacé·e dès que t’es en public juste parce que t’existes, mais c’est la faute de ton diag si tu te colles une balle. La blague putain.
Iels font la même avec notre colère, avec notre violence. C’est toujours soudain pour elleux, toujours mystérieux. Comme si y avait pas de cause. Comme si on avait mangé la violence matin midi et soir mais qu’il faudrait quand même qu’on chie des paillettes.
What would David Haller do ? Alors t’es là tu sens la boule qui grossit grossit et t’étouffes. Et t’as rien le droit de faire la colère c’est mal. TA colère c’est mal. Le simple fait que tu la ressentes est un échec. TU es un échec. On s’en bat la race que personne t’ait rien donné pour la gérer c’est TES émotions TU gères. Alors t’es là tu t’écroules parce que ça brûle tellement dedans que tu peux plus rien faire. And there goes the spiral my love.
T’es prêt à le lancer le cercle vicieux de l’enfer. Tu t’isoles parce que tu gères plus. Et c’est comme ça qu’on gère les bêtes comme toi, on les enferme. T’as bien appris la leçon, t’es autonome maintenant. Fermer les stores et jeter la clé. À l’abri des regards mordre et griffer la chair, trouver la sortie du corps prison parce que la colère en dedans va tout détruire tu sais. Toi avec. Aucune chance de survie C’EST MARQUÉ DANS LE DSM CONNASSE APPREND À LIRE MERDE. T’es là tu t’isoles et tu sais que plus tu t’isoles pire c’est. Plus ça gronde en dedans. Mange la raison mange les solutions mange l’air tout tout tout, il va rien rester. Tu sens tout pourrir en dedans et les vers qui grouillent ça ronge ronge le rire dans le fond quelque part le désespoir. Faudrait appeler à l’aide et vite parce que tout va sombrer ici. Mais c’est pas possible. T’es pourrie ma fille. Pourrie jusqu’à l’os. Si on enferme les gens comme toi c’est pas pour rien. C’est pour les empêcher d’aller pourrir le monde dehors par leur simple présence. Tu veux pas pourrir les gens que t’aimes non ? Alors tu fermes ta gueule tu sers les dents et tu restes là sans bouger le temps que la colère est tout détruit dedans pour cette fois.
Il en va de nos souffrances comme de notre colère, c’est inhérent au diag on peut rien y faire ma brave dame. Comme si y avait pas de responsabilité, comme si y avait pas de levier. Les autres ont le droit d’être violent avec nous, mais nous, si on l’est ? God forbids… Alors on est là à bouffer je ne sais combien d’énergie pour que le masque ne se fissure pas. Parce que s’il se fissure et que la folie se met à déborder par tous les côtés, là c’est sûr, on aura tout perdu.
Tu veux savoir le pire ? Le pire c’est que David Haller il est posé comme un Grand Méchant. Lol, is that so ? Le mec qui détruit le monde par accident parce qu’il était trop désespéré de savoir pourquoi ses parents l’ont abandonné in the first place plutôt que de le protéger ? Pourquoi iels l’ont sacrifié à la menace pour sauver leurs miches plutôt que de faire leur job de parents ? C’est ça votre idée du grand méchant ?
Tu veux savoir le pire ? C’est dans cette obscurité te forcer à regarder en toi puisque toutes façons à ce stade t’as les tripes par terre et tout grouille, might as well plonger dans l’introspection forcée. Le pire c’est d’admettre que si t’avais les pouvoirs de David Haller, t’aurais fait pire. T’aurais fait tellement pire. Le mec il se contente d’un “niquez-vous” et il se barre vivre sa vie avec sa pote folle. Et là encore les gentils vont tout précipiter vers le pire. Toi à sa place… t’aurais tout ravagé. Putain ouai. J’aurais tout cramé. Brûler la terre entière, détruire tout ce qui peut l’être. Briser les gens un par un. De la pire façon possible. Qu’iels comprennent jusque dans leur chair la douleur qui pourrit la mienne. Celle qu’on m’a insufflé de force avant de me forcer à apprendre que c’était de ma faute. Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’autres pensées possibles. Si j’avais les pouvoirs de David Haller j’aurais fait tellement pire. You want a villain ? You’re gonna have one.
Mais je les ai pas. Alors ferme ta gueule. Il faut survivre jusqu’à demain. Live to fight another day. je suis si fatigué de me battre j’en peux plus. Je suis tellement en colère de devoir me battre tout le temps pour tout. C’est pas juste. J’avais rien demandé. J’ai pas de pouvoir, alors je serre les dents, ferme ma gueule. You don’t want to make it worse. Et ainsi des jours entiers passent au sein de la spirale sans que l’air ne soit renouvelé. Le bleu devient rouge.
Quelque part les pluies nous attendent.
O no no, take me from my misery
There’s no such, thing as living comfortably
There’s no such, thing as going home
I’m not formed of myself alone
All the other others they’ll just fade to black
When you think you have me’s when I don’t look back
Keep on laughing, callin after me
Keep on laughing, I’m just freeWe were ready to behave
But there’s no freedom
Without no cageWhatever you think you’ve become
Don’t worry ‘bout it dear it’s where you come from.
Cet article n’a pas de but autre que d’essayer de donner une forme à cette colère-là. Celle dont on ne parle qu’en coulisse. Cette colère qui flirte avec le désespoir de la situation. Celle qui nous ronge toustes à plus ou moins grande échelle.
Faut croire que la colère aussi c’est inéluctable.
L’inéluctable fait l’essence du tragique, ainsi que de la folie. Pas tellement parce que la folie est sans sortie. Mais parce que celles qui pourraient exister, on nous les refuse, au motif que nous sommes fols. Là est la fatalité. Tu ne peux pas débattre avec des gens qui ont déjà décidé que ta vie n’était pas à prendre en compte, alors ton avis ? lol.
Il faudrait un autre mot que “prophétie auto-réalisatrice”. Parce que clairement, c’est pas nous qui la réalisons cette prophétie là. Nous on est là, on se débat, on se débat en étant parfaitement capable de reconnaître les fils de la fatalité. Mais pour un fil qu’on arrive à couper, le monde nous en retresse trois autour de la gorge. C’est sans fin.
Quand j’arrive à sortir de la spirale, j’essaie de faire quelque chose de cette colère-là, de ce désespoir-là. Mais j’ai pas trop d’illusions sur le fait qu’entretenus par le monde extérieur, iels finiront par avoir ma peau. C’est difficile de se forcer à faire les bons choix. Déjà parce que les bons choix sont toujours plus difficiles. Mais aussi parce que de toute façon, tout le monde a déjà décidé que je faisais les mauvais. Alors pourquoi s’emmerder ?
Mais le fait, et c’est un autre inéluctacle, que tant que le monde nous traitera de la sorte, on sera un peu obligé de ne compter sur personne d’autres que les autres fols pour s’en sortir.
Et inéluctable oblige, on expliquera notre isolement par nos diags. C’est dans le DSM™ ma gueule…