Tracker numérique et paranoïa

Dandelion
7 min readMay 26, 2021

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[Coup de gueule initialement publié comme un thread twitter, mais un tweet a été report et j’ai été obligé de le supprimer. Comme je suis très têtu, je reposte ici. Avec un bonus en complément en deuxième partie]

Dans la série “la psychiatrie est un organe de contrôle pas de soin”, j’ai nommé : les antipsychotiques avec tracker numérique.

Histoire qu’on puisse bien suivre si t’as bien pris ta petite pilule et quels effets ça fait.

À moins que j’ai raté un épisode (ce qui est possible, auquel je présenterai mon mea culpa), c’est marrant, mais cette nouvelle technologie, jlai pas vu évoquée pour quoi que ce soit d’autres que les AP. Comme de par hasard.

Parce que vous comprenez, on va pas laisser ses tarés sans leurs médocs, c’est siiiiii dangereux les fols ! on va pas laisser ses tarés sans médocs è_é

Et qu’importe qu’on ait déjà prouvé que leur efficacité était limité
qu’importe qu’on ait déjà prouvé que les effets secondaires pouvaient ruiner nos vies au delà de la psychose elle-même
qu’importe les effets de sevrage qu’on prend pour des “rechutes”
Non ce qui importe c’est que les tarés prennent bien gentiment leurs médocs et fassent pas chier.

Combien de fois on a dû se rendre compte que les médocs c’était plus pour le confort de nos proches que le nôtre ? J’ai arrêté de compter.

Aujourd’hui ça bâche les fols qui veulent pas se faire vacciner parce que parano à force que la psychiatrie leur ait fait bouffer des médocs de force.

À l’époque déjà en HDJ quand j’ai commencé à dire les médocs c’était dur et j’aimais pas parce que ça me donnait l’impression d’être malade. Alors on a voulu me les passer en injection. J’ai tenu bon j’ai dit non.
Soit les soignant·es étaient très con (parce que je vois pas en quoi une injection ça fait moins malade qu’une pilule). Soit iels voulaient être sûr que j’allais pas ragequit les médocs.

Et moi j’ai pu me barrer. Imaginez celleux qui sont toujours sous le contrôle psychiatrique. Avec prise de sang pour vérifier que traitement bien suivi. Avec menace de perte de liberté si traitement pas suivi.
IMAGINEZ.
Si on vous avait imposé ce rapport là aux médicaments, aux soins, vous iriez vous faire vacciner en souriant ?
avec en bonus le monde entier qui blague comme quoi ça injecte la 5G ou une puce du gouvernement.
Ça vous a bien fait rire la théorie du complot ?
Hey, guess what ? IT’S REAL NOW.
Maintenant, on peut vraiment faire des médocs avec trackers numériques.
Mais vous vous en foutez c’est pas à vous qu’on va les filer.
On va les filer aux tarés. Aux gens qui paranoyent déjà de bouffer un médoc.

Hey dear paranoid folk, you’re not paranoid anymore, you’re right !

Mais votre tour se perd pas, vous inquiétez pas. Ça viendra pour vous aussi. Vous croyez qu’iels vont s’arrêter aux AP ? lol.
Non on sert de cobaye, as fucking usual. Et quand ça sera validé ça sera votre tour. Vous ferez moins les malins quand la pharmacie vérifiera les tracker dans votre sang avant de savoir si iel veut bien vous filer votre boîte de paracétamol.

Encore une fois, vous feriez bien d’écouter les fols et de vous inquiéter de la façon dont on nous traite. La psychiatrie est un organe de contrôle comme un autre. Et au cas où vous auriez pas remarqué, on vire au tout contrôlé.

Au passage, pendant qu’on finance ce genre de merde, on ne finance pas la recherche sur les effets de sevrage, on ne met pas d’argent pour suivre CORRECTEMENT les personnes sous traitement, on ne finance pas les initiatives de pair-aidance et d’auto-gestion.
Ce n’est pas une fatalité, ou parce que c’est “objectivement” mieux (quand même la psychiatrie prouve que la psychiatrie fait de la merde à un moment faut se poser les bonnes questions Personne haussant les épaules) mais un CHOIX.
Miser sur le contrôle l’isolement et l’enfermement des fols EST UN CHOIX IDÉOLOGIQUE qui ne repose pas sur des vérités scientifiques.

Jsuis en colère et au bord des larmes, pas forcément hyper constructif… déso… mais ça c’est terrifiant… j’en reviens pas de ce qu’on nous fait… j’y arrive pas… toute la paranoïa du monde ne suffit pas à me protéger de ça et c’est terrifiant…

J’essaie de récupérer le papier du tweet initial, ptet j’en ferai un commentaire à ce moment-là…

en attendant, that’s enough psychophobic attack for today…

Un escalier de secours en metal, le long d’un immeuble, sur lequel sont suspendues des pancartes “no trespassing”
Photo by Michael Dziedzic on Unsplash

Nous revoilà donc. Cinq jours après.

Cette suspension, elle m’interroge. Énormément. Qu’un robot ait pris mon “it’s real” pour du complotisme, passe encore. Il est programmé pour réagir à des mots clés. Que les humain·es aient confirmé cet interprétation… non.

Parce que quand tu expliques, sources à l’appui, qu’on a bel et bien créé des médocs traçables numériquement, c’est pas du complotisme. Juste un fait.
Pointer le double traitement fait entre l’humour des uns d’un côté, et les angoisses délirantes et justifiées des autres, c’est pas du complotisme. C’est une précision. D’autant plus importante que je continue de voir ces blagues passer une dizaine de fois par jour dans ma TL (alors même qu’elles entretiennent mes délires et peuvent donc être dangereuses pour moi), là où moi, j’ai été forcé de supprimer mon tweet, et donc amoindrir mes propos.

Et ça ça pose une énorme problème.
Que le robot se trompe, soit. C’est un robot. C’est con les robots (ça rassure le paranoïaque que je suis). En revanche, il y a eu un énorme biais psychophobe dans le traitement de cette histoire. Parce qu’au final, le message envoyé, c’est que la parole et les angoisses des fols, on s’en fiche. C’est pas pris au sérieux. On peut blaguer dessus. Mais si on veut en parler sérieusement deux minutes, c’est du complotisme.

Ça en dit long sur comment sont perçus les refus de traitement par les fols. On savait déjà que pour la plupart, les fols, ça doit être médicamentés et basta. Pour leur bien. Avec ou sans leur consentement. Mais en plus, on décrédibilise complètement les angoisses des fols. Pourtant, elles sont légitimes. Si on t’a forcé à être médicamenté, qu’on a drogué de force, que le refus de soin a des conséquences sur ta liberté, alors il n’y a plus de consentement éclairé pour toi. Il n’y a que de la menace et de la coercition. Tu apprends à associer médicaments / traitements à la violence. Tu apprends qu’il vaut mieux ne jamais commencer pour ne jamais avoir à en sortir. Quand on a limité toutes tes options, c’est plus suffisant de te dire “le vaccin c’est pas pareil”. C’est trop tard. Quand j’ai arrêté les APs (qui ont failli me tuer, je rappelle), il s’est passé de longues années où juste prendre un doliprane c’était une putain de lutte. Et je suis migraineux… l’enfer… Et encore une fois… MOI J’AI PU PARTIR. Pourtant les conséquences de ces quatre ans de traitement, je les vois ENCORE dix ans après. Alors les gens qui sont encore dedans ??? Mais évidemment qu’iels vont pas aller se faire vacciner en souriant et le coeur léger !

Et comment on le pourrait quand on voit que l’avenir c’est des médocs avec tracker numérique ??

En quoi c’est si dur de comprendre l’angoisse des fols face aux technologies médicales ? On le SAIT que psychiatrie en tête, et médecine dans une moindre mesure (encore que ?), ce sont des instances de contrôle social. On est en première ligne. C’est pas du complotisme. Ce sont nos vies. Y A UN PUTAIN DE MINISTRE DE L’INTÉRIEUR QUI A DIT QU’IL FALLAIT NOUS TRAQUER ET NOUS ENFERMER. Comment voulez-vous qu’on ne fasse pas les liens ? Qu’on interroge pas les évolutions médicales ?

Bien sûr que c’est important la couverture vaccinale et que si on peut le faire, il faut le faire. Ça n’a jamais été la question du thread initial. Mais y a une différence entre tonton Gérard qui veut pas se faire vacciner parce que Raoult a dit que ça refilait un cancer du gluten, et les fols qui s’inquiètent d’une nouvelle forme de contrôle parce qu’on leur a appris que le soin c’était le contrôle.

La psychiatrie CRÉE la paranoïa médicale qu’on vient ensuite nous reprocher. Parce qu’elle annihile la notion de consentement médical tout en faisant croire qu’on y a droit.

Que des fols refusent le vaccin, s’inquiètent des nouvelles technologies médicales, c’est pas du complotisme, mais une conséquence des mauvais traitements subis jusque là. C’est un mécanisme de défense.

We can be paranoid AND right. C’est même beaucoup plus souvent le cas que vous le croyez.

noir et blanc, une rue, cinq personnes, mais tout est flou, on ne distingue que des silhouettes inquiétantes, comme en train de comploter
Photo by Olesya Yemets on Unsplash

Le problème est là. J’ai été suspendu pour complotisme parce qu’on a refusé de voir les angoisses des fols, et en quoi ces angoisses sont légitimes, d’où elles viennent. Parce qu’on peut en parler QUE si on est au second degré. Si on est au premier, alors ça va sous le tapis. On dépossède les fols de la folie, et on en parle plus longuement ici. (cinq jours de suspension, on a eu le temps de cogiter)

Et pendant qu’on fait passer nos angoisses pour du complotisme, on ne s’attaque pas au problème. Pendant qu’on considère que parce que c’est délirant, ça ne vaut pas la peine d’écouter, on continue de silencier.

Et on avance pas.

Ça m’a déchiré les tripes, cette impression d’être puni alors que j’avais rien fait de mal. Alors que j’avais la réalité pour moi (pour une fois !). Je l’ai vraiment pris comme une injonction à fermer ma gueule sur les problèmes des fols. Et vraiment, je voulais tout laisser tomber. Twitter, ce blog. Tout le taff fait depuis cinq ans. Parce que tu te fais chier à être pédagogue, à créer de la ressource, à expliquer. ET BAM. T’as osé dire merde au monde ? Va crever. Et en silence.

Heureusement qu’il y a les copaines fols quand même.

Donc on va pas faire ça. On va pas disparaître. On va gueuler plus fort. Et mieux. Parce que toute façon, on a pas le choix.

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Dandelion

Non-binary French writer, theatre PhD student, metalhead and rain lover. Here, I write about living with schizophrenia. I'm owned by a cat.