Oui.
Bien sûr, je vais développer. Mais je tenais à ce que ce soit très clair dès le début vu que la plupart des gens ne lisent pas les articles en entier :
Oui on peut faire société avec les délirant·es.
Le problème c’est que la société rejette les délirant·es.
Ceci étant dit, on va maintenant pouvoir partir pour la version longue.
La réalité du délire
Il y a quelques temps, j’ai été interviewé pour le podcast Septante minutes pour parler schizophrénie et psychophobie. Et s’il y a plusieurs moments où j’ai sauté au plafond de colère (une histoire pour un autre jour), cette question-là m’est particulièrement resté en travers de la gorge : peut-on faire société avec les délirant·es ? Au point qu’il me paraissait essentiel d’y revenir en article…
Je vous avoue tout de suite : je ne me rappelle pas vraiment ce que j’ai répondu. La folie c’est bien fait, et c’est notamment fait pour te protéger. Passées les dix premières minutes, ce n’est plus “moi”, plutôt moi&. On a switch. Il paraît que le Pilote Automatique s’en est sorti admirablement et on l’en remercie. Mais je ne sais pas dans quelle mesure ce qu’on va écrire reprend ce qu’il a dit, se base sur ce qu’il a dit, ou part dans une toute autre direction. À première vue, ça devrait être complémentaire, mais indépendant, même si de possibles redites.
Pourquoi je vous précise ça ? Parce que je crois me souvenir que l’intervenant y tenait vraiment à cette question, comme s’il s’attendait à ce que je lui dise que non effectivement, c’est trop compliqué. Et c’est drôlement ironique parce qu’il était en train de parler à une personne tellement délirante qu’elle était même plus là. Et qu’il n’a rien vu. Pour sa défense : c’est fait pour. S’il s’en était rendu compte, ça aurait été une preuve de faiblesse du système. Or, et je vais le répéter jusqu’à ce que mort s’en suive, la folie, et notamment les délires, sont un mécanisme de défense. La paranoïa est un délire visant à considérer beaucoup de choses comme menaçantes par défaut afin d’être sûr de toujours être prêt à se défendre / fuir / répondre. Mes délires de pourrissement cherchent à matérialiser une souffrance mentale prenant trop de place. Penser que Macron envoie l’armée pour nous tuer parce que les morts ne transmettent pas le COVID protège du fait que je suis impuissant épuisé et perdu en pleine pandémie à laquelle je ne comprends rien. La multiplicité est particulièrement invisible parce qu’elle doit permettre aux éléments les plus fragiles du système de ne plus être en danger tandis que des éléments plus solides prennent en main la gestion des choses.
Je pourrais continuer longtemps comme ça. Si vous avez l’habitude de me lire, vous connaissez la chanson : la folie ne sort pas de nulle part, elle fait sens, elle donne sens au monde quand celui-ci n’y parvient plus. La folie est une raison. La folie est une expérience du monde. La folie est une possibilité de l’esprit humain au même titre que toutes les autres.
L’ironie (et la violence) de cette question sur laquelle l’intervenant insiste, elle est là : par défaut, cette question sous-entend que parce que je suis fol, je ne peux pas faire partie de la société. Alors que c’est justement parce que la société ne veut pas de moi que je suis fol.
Certes, cette interview c’est le point de départ de cet article. Mais comprenez moi bien : cette question, on la trouve partout, tout le temps. Elle n’est pas du fait de l’intervenant. S’il la pose, c’est parce que cette question dirige le monde et la manière dont on traite les fols.
Si cette question est violente, c’est parce que le monde y a déjà répondu.
En construisant des HPs. Des ESAT. Des IME.
etc
Le monde a déjà répondu, et la réponse est non : il faut nous exclure.
Alors bien sûr, on nous dira que c’est pour nous protéger. Parce que le monde est trop dur pour nous.
Mais si le but est de nous protéger… pourquoi ne pas faire le monde moins dur ?
Parce que le problème est là : nous enfermer, nous exclure, c’est la solution de facilité. Sinon, faudrait vraiment se sortir les doigts du cul pour changer les choses pour de vrai, faire de vrais efforts, changer de modèle de société pour de bon.
Et ça, pour les non-fols, c’est impossible.
We have instructions. We don’t ask questions. We do our job. We don’t think twice. If she messed up enough to be here She deserves to pay the price.
Poser la question c’est déjà exclure
Le problème de cette question, c’est que quand on la pose, on a déjà répondu. C’est bien pour ça que Valeur Actuelle la pose encore et encore au sujet des musulmans. Pour mieux dire que non.
Quand on pose cette question, c’est pas pour y répondre, c’est pour mieux confirmer l’exclusion.
Quand on pose cette question, on a déjà perdu.
Preuve en est, la question n’est pas “comment faire société avec X ?” mais bien “peut-on faire société avec X ?”. Une question fermée qui appelle une réponse binaire sans aucune nuance.
Or, faire société avec X, ce n’est pas un fait gravé dans le marbre. C’est une décision qu’on prend. À partir de là, la vraie question est de savoir si on prêt à faire l’effort nécessaire pour ça. Parce que faire société, c’est un travail de tous les jours. Mais c’est aussi un droit.
“Mais enfin Dandelion c’est pas un peu antinomique ça ???”
Non. Mais reprenons au ralentis.
Ça veut dire quoi “vivre en société” finalement ? Parce que j’ai souvent l’impression étrange que les gens ont l’impression que c’est une chose qui a l’air de couler de source, qui devrait être facile, et qui ne nécessite pas d’effort. Or, cette vision, c’est la vision des dominant·es. La vision des gens qui sont en position de force et qui du coup n’ont pas nécessairement l’habitude que les choses soient compliquées. Alors forcément, quand les gens qui jouent au jeu de la vie en mode difficile, voire difficulté légendaire, réclament des droits, d’être mieux traité·es, et de ne plus être exclu·es, tout de suite, ça grince des dents.
Zoomons pour mieux comprendre le mécanisme… Après presque deux ans de galère, j’ai emménagé dans mon nouvel appart en septembre. Le jour de l’état des lieux, je me suis fait attrapé la jambe par Simone (je ne sais pas comment elle s’appelle, mais pour la narration c’est plus simple). Simone est retraitée en bonne santé, proprio. Simone décide de me faire faire le tour de l’immeuble pour me montrer des trucs que l’agent m’a pas montré et qui participe de la vie en communauté “parce qu’aujourd’hui les gens ne se croisent plus c’est triste”. Je flirte déjà dangereusement avec la surcharge cognitive mais la pote qui m’accompagne me fait signe que vaut mieux dire oui. Alors Simone me montre des trucs. Les caves. Le local poubelle. Le compost. Le mini jardin communautaire avec des herbes aromatiques. L’accès handicapé. À chaque fois, Simone m’explique comment Untel a mal fait.
Derrière le brouillard cognitif de plus en plus épais, j’ai l’impression que quelque chose cloche.
Simone sent le racisme aux entournures.
Simone casse du sucre sur le dos de gens pas là.
Simone flique les voisins qui n’ont pas éteint la lumière dans leur cave.
Simone me gronde par avance de ce que je pourrais mal faire.
Simone va participer à mon harcèlement suite à mon aménagement.
Mon crime ? avoir sécurisé mon balcon avec un filet à chat pour que Crona puisse profiter du balcon. Ce qui serait contraire au règlement. Pendant 48heures, je reçois visite des voisin·es et commentaires passifs-agressifs jusqu’à ce que j’abdique. Crona est donc l’heureuse locataire d’un balcon de 3mètres de long sur lequel elle n’a pas le droit de mettre une moustache.
Pourquoi je vous raconte ça ? Finalement, un immeuble, c’est une minie société, alors ça permet de facilement repérer les mécaniques.
Reprenons : Simone se plaint qu’il n’y a plus de communauté dans nos grandes villes. Ce qui en soi n’est pas faux. Simone et d’autres mettent en place des choses pour qu’il y ait à nouveau communauté : prendre le temps de faire faire le tour de l’endroit, compost collectif, jardin communautaire. Le truc, c’est que Simonetsespotes ont une définition bien arrêté de ce que doit être cette communauté, et que tout ce qui en dépasse est en tort.
J’ai subi 48 heures de harcèlement pour un filet à chat sur un balcon parce que c’est interdit dans le règlement.
Plusieurs choses dans cette phrase…
Deux jours de harcèlement pour un filet à chat. La punition est énorme pour un fait qui ne met en danger PERSONNE, et qui à l’inverse, va permettre à certains éléments de cette communauté de vivre mieux (aka mon chat, qui pourra se dégourdir les pattes sans prendre le risque d’aller se faire écraser ou d’aller faire du dégât chez les voisin·es ou ses besoins dans le jardin communautaire). C’est complètement disproportionné.
Ensuite, ce n’est pas interdit dans le règlement en vrai. C’est une interprétation d’une ligne du dit règlement.
Simone et ses potes interdisent mon filet à chat parce que ça dénature l’immeuble. Comprendre : ça rend l’immeuble moche. L’immeuble étant un bloc de béton orange pastel, je vous avoue que je m’interroge sur le sens du beau de Simone et ses potes.
Mais je ne peux rien faire. Parce que Simonetsespotes sont majoritaires, je suis seul et en situation de pouvoir (proprios là où je suis locataire).
Et encore je suis blanc.
Et encore j’ai pas eu besoin de faire des travaux dans l’appart pour qu’il soit vivable pour moi.
Je flippe juste parce que le jour où je ferai une crise à en hurler, je sais qu’iels sont du genre à appeler les flics pour tapage nocturne.
Je suis d’ores et déjà le voisin bizarre qui dit pas bonjour, évite les gens, parle tout seul, a les cheveux gras.
Je le sais, jles entends baver sur mon dos dans le couloir.
Ça fait même pas six mois que je suis là, j’ai déjà subi du harcèlement, je suis déjà étiqueté comme “bizarre” avec un glissement vers l’étiquette “folle” qui s’accentuera avec le temps en fonction de mon masking. Masking qui est dur à maintenir, parce que vivre au milieu de pseudo flics du dimanche quand tu es paranoïaque, ça n’est pas un très bon combo. La vie dans la communauté de mon immeuble m’est donc inaccessible, parce que basée sur la surveillance de chacun de ses membres.
I am surrounded by spies
I am surrounded by spies
I am surrounded by spies
Quand la société fait des choix
Et ça, c’est à l’échelle de mon immeuble. À l’échelle de mon immeuble, Simonetsespotes qui sont en position de pouvoir ont une définition bien arrêtée de ce que ça veut dire faire société. Si tu sors de cette définition, tu sors aussi de la société qu’iels forment.
Pourtant, de mon côté, l’installation du filet a été pensé justement pour ne pas gêner la communauté : choix des horaires, choix du système qui ne nécessite aucun trou, etc. Mais voilà, je ne rentre pas dans la case. Et à partir de là, je ne peux pas être inclus dans leur société.
Et c’est valable à n’importe quelle échelle.
Les gens en position de force sont ceux qui décident de la définition de la société, et celleux qui ne rentrent pas dedans sont automatiquement exclus de fait. Quel que soit l’écart à la norme. Que le “danger” invoqué soit réel ou non. Que “l’infraction à la règle” soit réelle ou non.
Nous ne sommes pas exclu·es parce que nous sommes dangereuxses ou parce que nous avons commis un quelconque crime.
Nous sommes exclu·es parce que nous inclure obligerait les gens dans la norme à se repenser et à repenser leur mode de vie.
Et ça, c’est intolérable.
Pourtant, une société se doit de veiller sur ses membres. Quels qu’ils soient. Tous. Et sans exception.
Oui, même celleux qui ont effectivement commis des choses graves.
Le problème, c’est que la société est basée sur Simonetsespotes. Ou plutôt, c’est Simonetsespotes qui décident ce qui doit faire société. On se retrouve sur une société basée sur ses éléments les plus forts, si bien qu’elle est incapable de protéger ses éléments les plus fragiles. Alors que ça devrait être son rôle. Je le répète, mais une société basée sur la loi du plus faible, ça devrait être la base… y a que comme ça qu’on pourra vraiment protéger et inclure les plus faibles. Parce que sinon, on va se contenter de maintenir une société du plus fort où la seule proposition pour les fragiles ça sera des béquilles pour rattraper les plus forts et si t’y arrives pas bah c’est tant pis pour ta gueule, on t’a filé des béquilles, tu veux quand même pas qu’on te file un fauteuil électrique non ???
Le pire, c’est qu’on va venir nous dire que tout ça c’est normal et naturel, alors que ce sont des choix de société. On choisit de ne plus imposer le masque en pleine pandémie, ce qui fragilise les plus vulnérable au COVID, et on choisit de considérer que c’est pas grave si ces gens meurent parce que bon le masque c’est pas agréable quand même. On choisit de ne pas adapter les équipements médicaux à celleux qui en ont besoin alors qu’il n’y a finalement pas de réelle contrainte technique, juste on choisit de ne pas adapter. Là encore ce choix coûte des vies, mais on décide qu’on se fout des vies en question. On choisit d’imposer aux personnes grosses des opérations mutilantes sur des organes sains, au détriment de leur santé mentale et physique, parce que nous considérons que si elles ne sont pas minces, elles ne méritent pas d’exister. Et nous choisirons de ne pas reconnaître leurs souffrances, souffrances causées par nos choix. Nous choisissons d’exclure Will Smith des Oscars pour une gifle quand des pédophiles et des violeurs continuent d’être invités et récompensés tranquille, mais Will Smith est noir so. D’ailleurs, dans la couverture de ce moment, nous avons aussi choisi de ramener les personnes blanches au centre. Nous choisissons de laisser mourir les schizophrènes du COVID parce que nous considérons que leurs vies valent moins.
Cette liste de choix elle est affreusement longue, je pourrai la continuer encore et encore, qu’elle couvre tout l’article, mais à la fin, je suis même pas sûr que j’arriverai à couvrir toutes les exclusions…
Ces choix, nous les faisons collectivement. Mais nous les faisons. Aucune loi de la nature ne nous y force. Mais nous les faisons.
La gravité c’est une loi de la nature inévitable (ou très difficilement en tout cas). Si nos jambes lâchent, nous tombons. Inévitablement.
Si on est fol, on se fait enfermer, exclure de la société. Mais ça pourrait être évité. C’est un choix.
De la nécessité de poser d’autres questions
Peut-on faire société avec les délirant·es ?
Pour commencer : avez-vous déjà essayé ? Vraiment essayé ? Ou êtes-vous tombé·e dans le piège de considérer que notre exclusion était normale ? Pire, qu’elle était méritée ?
Pourquoi c’est ça la question et pas “peut-on faire société avec des valides qui se foutent de mettre la vie de personnes fragiles en danger ?” ? Parce que vraiment, c’est un débat bien plus pertinent à avoir.
Pourquoi c’est ça la question et pas “puis-je faire société avec mon violeur ?” ? Parce que vous vous rendez compte du nombre de violences qui non seulement ne seront jamais punies, mais ne seront même jamais reconnues ? Et nous devons quand même vivre dans les mêmes cercles que nos agresseur·es ? (j’ai pris l’exemple du viol parce que c’est ça qui me travaille en ce moment, mais clairement, le nombre de personnes victimes de harcèlement dans leur boulot par exemple, et qui doivent quand même bosser avec parce qu’on fera jamais autrement, c’est énorme. Ce mécanisme il se décline à l’infini)
Pourquoi c’est ça la question et pas “peut-on faire société avec les Simonetsespotes de ce monde qui ne comprennent la société que quand elle les défend eux ?” ? Parce que c’est quand même une version extrêmement restreinte de la société.
Pourquoi c’est ça la question et pas “peut-on faire société avec les riches et puissant·es qui se torchent le cul avec les rapports du GIEC et continuent de pourrir la planète pour leur profit ?” ? Non parce que celle-là, il est URGENT d’y répondre.
Pourquoi c’est ça la question et pas “peut-on faire société quand la base de la société c’est la glorification de la violence ?” ? Parce que bon, le risque il est un peu gros quand même vous trouvez pas ? Et jusqu’à preuve du contraire, la plupart des violences sont commises par des non fols. Alors si vous voulez vous demander avec qui ne pas faire société, exclure les fols, c’était peut-être pas le meilleur move. Peut-être qu’il serait temps de se demander pour de vrai comment gérer la violence dans notre société, parce que spoiler alert, mais la prison ça marche pas en fait. L’enfermement, l’exclusion, quelle qu’en soit la forme, ça marche pas. Alors on fait quoi ?
Pourquoi c’est ça la question et pas “peut-on faire société avec des soignant·es qui nous enferment nous privent de nos droits nous mutilent nous sédatent nous contrôlent et décident à notre place ?” ? Pourquoi c’est pas ça la putain de question que vous posez ????
Pourquoi c’est ça la question et pas “comment on peut mieux inclure les délirant·es plutôt que les exclure par défaut ?” ?
Pourquoi c’est ça la question et pas “pourquoi les délirant·es ne pourraient pas être inclus·es dans la société finalement ?” ?
Parce que si vous posiez ces questions, vous pourriez peut-être avoir des réponses vraiment pertinentes.
La vérité c’est qu’à force de bâtir une société sur ce qu’on exclut, on finit par tout exclure. C’est logique : si le fondement de base de ta société c’est l’exclusion, pour continuer à faire société, il faut continuer à exclure. Les critères se resserrent donc à chaque exclusion.
Who said I’m useless? Who told me I’m to blame? Stuck in this armor I’m creased and crushed into this shape / Massive smoke rises Consumes me whole Killing me in silence Where did it go wrong? / This shame should not be mine This shame should not be mine
Les délirant·es (et les autres exclu·es en général) font partie de la société par défaut. Parce que toute personne née au sein d’une société en FAIT PARTIE PAR DÉFAUT. La question ne devrait pas être “peut-on” mais “comment”.
Parce que si la question est “peut-on”, on admet que notre société est basée sur l’exclusion. Et tôt ou tard, elle s’en bouffera les doigts (genre en cas de pandémie ou de changement climatique aux conséquences catastrophiques imminentes)(OH BAH ÇA ALORS).
Alors que si la question est “comment”, on peut commencer à réfléchir aux besoins de chacun·e, à la gestion des besoins contradictoires, à une réelle gestion de la violence et de ses conséquences, à des soins qui en seraient vraiment plutôt que d’être du contrôle.
Ce n’est pas qu’on ne peut pas faire société avec les délirant·es, c’est que vous choisissez de ne pas faire société avec nous. Et en plus, vous avez le culot de venir dire que c’est de notre faute. Alors que vous n’avez même pas essayé. Alors que vous nous excluez. Alors que nous subissons la violence de tout bord et que personne ne nous défend.
Y a pas à gagner le droit de faire partie de la société. On est né dedans, elle doit faire en sorte qu’on y vive sereinement. C’est ça le but d’être une société. Et on ne peut perd pas non plus le droit d’en faire partie. La société doit gérer les problèmes qui naissent en son sein et trouver une façon que les victimes obtiennent réparation, et les coupables une chance de se réintégrer au mieux (et sans que ces deux éléments entrent en collusion). Oui c’est du boulot. Mais l’intérêt d’être une société, c’est qu’on est censé le faire à plusieurs, pour qu’au final ça soit pas si lourd que ça.
C’était donc ma réponse à cette question.
J’aimerais que plus jamais on me la pose. But I know better… et je me fais pas trop d’illusions. Pour ne pas dire aucune. J’ai beau me dire que j’ai la peau épaisse, je n’arrive pas à m’habituer à ces réguliers rappels à l’ordre : par défaut, je ne suis pas considéré comme faisant partie de la société. Je devrais toujours justifier mon existence (ce qui est rigolo pour quelqu’un qui n’existe pas). Et s’il y a quelques fols / malades mentaux qui croyaient encore que leur statut de productif pouvait les protéger, rappelez vous bien ça : à la moindre occasion, nous serons renvoyé·es au banc. Nous sommes en sursis. Au premier faux pas, nous tomberons. Ceci est une loi sociale. Dès que nous serons trop visiblement fols, fin de partie. Nous devons nous battre pour que les plus visiblement fols, les délirant·es aux délires les plus gênants, soient intégré·es. Nous ne devons pas nous contenter du sursis (qu’on a déjà tellement peiné à obtenir). Et surtout, nous ne devons pas croire que jeter les plus délirant·es sous le bus en les excluant à notre tour nous permettra d’être intégré. C’est une illusion…
Parce que dans le doute, tant que les non fols ne voudront pas de nous, il sera de notre responsabilité de faire communauté, et de prendre soin les uns les autres. Même avec les fols qui passent mal.
Je sais pas comment finir cet article, beaucoup d’angoisse et de colère en ce moment (sans doute très vite un article sur le trope du méchant fol…), et j’aimerais bien offrir autre chose en ce moment. Mais c’est dur. C’est dur de voir les groupes de pairs fols où je traîne se résumer à un échange de promesses / consignes en cas de suicide (et je n’échappe pas à la règle…) en ce moment parce que le monde est insupportable. C’est dur de construire quand on t’a détruit.
Donc je vais juste finir en remerciant mes camarades fols de faire groupe avec moi quand en vrai je n’arrive jamais à être inclus nulle part. Parce que c’est pareil pour elleux. Et j’espère qu’on y arrivera…
Please don’t go, I want you to stay
I’m begging you, please, please don’t leave here
I don’t want you to hate for all the hurt that you feel
The world is just an illusion trying to change you